Femme de plume, Femme de jardin : Colette
Sentir, humer, admirer, observer le jardin à travers la plume d'une femme, celle de Colette.....c'est ce que je vous propose aujourd'hui.
Colette décrit de façon presque lyrique le jardin de son enfance, entretenu, orchestré, par sa mère Sidonie:
"ô géraniums, ô digitales.... Celles-ci fusant des bois-taillis, ceux-là en rampe allumés au long de la terrasse, c'est de votre reflet que ma joue d'enfant reçut un don vermeil...."
"...Car Sido aimait au jardin le rouge, le rose, les sanguines filles du rosier, de la croix-de-Malte, et même du coqueret-alkérenge..."
Un autre jardin est dépeint dans "Sido", celui d'Adrienne; il apparaît comme un espace dans lequel les plantes font ce qu'elles veulent et poussent de façon sauvage et folle:
"Sa maison lui ressemblait par le désordre et par une grâce qui se refuse aux sites et aux êtres policés. Pour fuir l'humide et funéraire pénombre, la verdure étouffante, roses et glycines, dans son jardin, escaladaient les ifs, gagnaient le soleil par des efforts d'ascension et des dépenses d'énergie qui réduisaient leurs tiges-mères, étirées, à une nudité de reptiles... Mille roses, réfugiées au sommet des arbres, fleurissaient hors d'atteinte, parmi des glycines à longues gouttes de fleurs et des bignoniers pourpres, victorieux ennemis des clématites épuisées..."
Et puis, je ne résiste pas à l'envie de citer la fameuse lettre de Sido à son gendre, le mari de Colette, qui l'invite à venir passer quelques jours chez sa fille:
" Monsieur,
Vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c'est à dire auprès de ma fille que j'adore... Pourtant, je n'accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir. C'est une plante très rare, que l'on m'a donnée, et qui, m'a-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je m'absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois."
Colette, à propos de cette lettre, a écrit un magnifique texte dans "La naissance du jour":
"Puissé-je n'oublier jamais que je suis la fille d'une telle femme qui penchait, tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres d'un cactus sur une promesse de fleur, une telle femme qui ne cessa elle-même d'éclore, infatigablement, pendant trois quarts de siècle."
Toute la beauté de la nature et du temps qui passe réside là, dans ces mots qui célèbrent la vie.
Maison d'enfance de Colette à Saint-Sauveur en Puisaye
Pour terminer, je vous offre une rose en bouton qui aurait peut-être plu à Colette: